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Une parodie de concertation pour tenter de justifier de très mauvaises propositions

Communiqué de la CDIUFM

jeudi 19 novembre 2009

Après avoir pris connaissance des annonces faites aux organisations syndicales le vendredi 13 novembre, le bureau de la CDIUFM affirme sa consternation face aux propositions des deux ministres en charge de la réforme de la formation et du recrutement des enseignants.


Une concertation alibi

En effet, certains participants aux Groupes de travail et de propositions mis en place par Valérie Pécresse et Luc Chatel avaient bien perçu que les représentants des directions ministérielles et les recteurs venaient avec un projet déjà préétabli et tentaient de tirer les groupes vers ce schéma. Dans ce contexte, malgré le carcan imposé par la publication des décrets du 29 juillet 2009, ces groupes de travail avaient pourtant bien donné lieu à une production de propositions et d’idées neuves. Ces propositions qui auraient pu permettre de sortir de l’ornière dans laquelle se trouvent la réforme et les deux ministères depuis le printemps 2009, ont été successivement gommées par le groupe de synthèse et par les décisions ministérielles. A une exception près (la place du concours de l’agrégation en fin de M2) les décisions ministérielles sont absolument identiques au projet préétabli. Le travail des groupes de proposition pendant six semaines n’a été qu’une mascarade, une mystification, faisant croire en l’existence d’une authentique concertation et surtout donnant l’illusion d’un consensus alors que ni l’une, ni l’autre n’ont jamais existé.


Une vision simpliste de l’insertion professionnelle

Les propositions actuelles sont soit muettes au regard des problèmes posés par cette réforme, soit proposent des solutions simplistes. Par exemple, elles suggèrent que le nouveau dispositif devrait permettre une meilleure prise en compte des étudiants non admis aux concours. Nous considérons en premier lieu qu’une réforme qui vise l’amélioration de la formation et du recrutement des enseignants ne doit en aucun cas sacrifier ceux pour qui la réforme est conçue, c’est-à -dire les futurs enseignants. En second lieu, il ne nous semble pas que l’insertion professionnelle des étudiants non admis aux concours soit véritablement améliorée avec cette réforme, tout au contraire : en suggérant en effet par des incantations répétées que le master disciplinaire est la solution à tous les problèmes d’insertion professionnelle, le document ministériel du 13 novembre ignore les réalités universitaires et les conditions de l’insertion professionnelle des étudiants. Les étudiants non admissibles ne se réorienteront pas d’emblée vers d’autres parcours de masters et d’autres débouchés professionnels : ils feront ce qu’ont fait des générations d’étudiants avant eux, ils se présenteront une seconde fois, une troisième fois, au concours. Contrairement à ce que prétend le rapport du groupe de synthèse le master généraliste disciplinaire, par on ne sait trop quelle magie, ne règle pas la question des reçus-collés.

Une méconnaissance de la réalité des projets professionnels des étudiants

Certaines propositions nous apparaissent tout à fait caricaturales, en particulier celles qui suggèrent, grà¢ce à l’étalement du calendrier des épreuves des concours que la plupart des étudiants pourraient tenter le concours de professeur des écoles dont les épreuves d’admissibilité auraient lieu en septembre ; que les non admissibles à ce concours pourraient alors tenter les épreuves d’amissibilité des CAPES, PLP qui auraient lieu en décembre ; que les non admissibles à ces derniers concours pourraient alors tenter l’agrégation en avril. En poursuivant cette logique, faut-il envisager que les étudiants qui ne seraient admis à aucun concours pourraient alors entreprendre une thèse débouchant sur un concours d’enseignant chercheur ? L’ensemble de cette perspective nous semble ahurissant, très éloigné des réalités étudiantes et très méprisant du travail des enseignants chercheurs en université.

Des masters inadaptés à la réalité du métier

Les propositions du 13 novembre n’affirment pas clairement qu’il sera proposé à tous les étudiants une offre de master adaptée à leurs voeux et aux exigences des métiers auxquels ils se destinent. Rappelons à ce sujet que les enseignants des lycées professionnels et ceux des écoles doivent disposer des connaissances nécessaires à l’exercice de la polyvalence (écoles) et de la bivalence (lycées professionnels). De la même façon les futurs professeurs des collèges et des lycées doivent être formés dans toute la dimension didactique et pédagogique qui les rendra capables de prendre en charge les classes. Dans l’état actuel des propositions, c’est la polyvalence des professeurs des écoles qui serait sacrifiée dans le nouveau dispositif. Il est implicitement prévu par la réforme que, même pour les professeurs des écoles, des masters généralistes mono disciplinaires (exceptionnellement bi disciplinaires) leur serviraient de formation. Or les professeurs des écoles enseignent non pas deux mais une dizaine de disciplines. Quand seront-ils formés aux huit autres, dont certaines n’ont pas été travaillées depuis le collège (éducation musicale, arts plastiques) ? Dans le vague dispositif de compagnonnage prévu pendant la première année d’exercice ? Ou bien faut-il comprendre que ces disciplines n’ont plus leur place à l’école ?

La fin programmée de la formation professionnelle des enseignants ?

Au total, ce texte ignore une idée qui s’est pourtant imposée depuis des années et que partagent la plupart des acteurs concernés par la formation : enseigner est un métier qui s’apprend et qui requiert de ce fait une véritable formation professionnelle, qui ne peut en aucun cas se réduire à quelques stages pratiques. Il y a presque 200 ans, les premières institutions dédiées à la formation des enseignants (l’école normale de Strasbourg) initiaient un long processus par lequel le contrat entre l’école et la nation allait générer simultanément le développement de la scolarisation et celui de la formation des enseignants, qui a certes connu de nombreuses réformes mais qui visaient toujours des objectifs d’amélioration et de progrès. Nous sommes aujourd’hui confrontés à un projet qui ramène la formation des enseignants plusieurs décennies en arrière alors même que notre époque exige au contraire que l’on ose affronter les défis du siècle qui s’ouvre à nous.

Certains hauts responsables se targuent d’une volonté délibérée d’empêcher les IUFM aujourd’hui, les écoles de formation internes aux universités et dédiées à la formation des formateurs demain, de jouer un rôle essentiel dans ce dossier. Cette réforme n’aurait pas d’autres buts que de récupérer des moyens et de mettre à mort les IUFM. Le premier objectif est d’ores et déjà atteint, le second est programmé. Qu’importe si cela met à mal l’équilibre de toute l’offre de formation de niveau master dans les universités. Qu’importe si cela transforme la formation des enseignants dans notre pays en un véritable champ de ruines faisant fi des compétences professionnelles attendues d’un enseignant, au détriment, au bout du compte, de l’intérêt de nos enfants. Qu’importe enfin si les choix qui sont faits pour notre pays nous éloignent radicalement des options retenues par l’ensemble des pays qui souhaitent aujourd’hui véritablement élever la qualité de la formation des enseignants.

Pour toutes ces raisons cette réforme n’est pas acceptable et ne peut que susciter l’opposition de tous ceux qui restent attachés à la formation des enseignants.