Ces réformes sont guidées par un postulat idéologique qui peut se résumer en trois axes principaux :
– la concurrence est un facteur d’émulation, de progrès nécessaire. Même l’OCDE avec les enquête PISA est plus mesurée : « la concurrence entre établissements n’est ni un gage d’amélioration des performances globale des élèves, et produit des effets d’homogénéisation et aggrave les inégalités ».
-La formation initiale ne sert pas à l’émancipation mais à fournir l’appareil de production. Chaque élève doit trouver un emploi en fonction de sa formation car les entreprises en ont besoin. L’axe de la préparation à l’emploi est privilégié par rapport à celui de la formation du citoyen et à la construction d’une "culture commune".
- la flexibilité est un gage d’efficacité économique : pour les personnels, l’institution, les horaires et les élèves pour les préparer à l’appareil de production
Pour faire passer cette idéologie, la communication du gouvernement s’appuie sur deux idées reçues.
Première idée reçue la valeur et donc le niveau du bac baissent, il faut donc le "muscler". Au début du 20e siècle les bacheliers représentent moins de 5% d’une classe d’à¢ge, aujourd’hui c’est 65%. Lorsque l’on dit que le "niveau baisse" la référence reste les élèves d’il y a 20 ans, mais le profil des élèves a beaucoup évolué. Ce profil d’élève est toujours dans nos classes, mais il y a aujourd’hui en lycée les élèves qui restaient en 3e. Le niveau global s’améliore mais l’hétérogénéité des publics est le nouveau défi. Il y a eu une massification de l’école accompagnée d’une démocratisation ségrégative : l’écart a certes diminué entre les enfants de cadres et les ouvriers, mais 96% des enfants de bac +3 et plus ont le bac, contre seulement 35% des enfants de sans diplôme. Le culte de la méritocratie républicaine a pour conséquence que ce que l’on apprend à l’école est biaisé car l’on favorise les pratiques culturelles dominantes.
Deuxième idée reçue : la réforme de l’entrée à l’université est une réponse au scandale du tirage au sort dans certaines filières en tension ainsi qu’à l’échec des étudiant
es durant leur première année d’étude dans le supérieur. Le tirage au sort est un choix du gouvernement précédent : adapter le nombre d’étudiants au nombre de places disponibles, c’est-à -dire d’instaurer une sélection. Le tirage au sort est la conséquence du manque d’investissement de l’état, en particulier du manque de postes, et de la poursuite de la politique d’autonomisation des universités : sur les dix dernières années seulement, le nombre d’étudiant es a augmenté de 20 % alors que le budget de l’enseignement supérieur lui n’a augmenté que de 10. Pour 2018, la hausse du budget est de 0,75% en deçà de la hausse des prix attendue. En ce qui concerne l’échec des étudiants, non seulement le terme d’échec lui-même est discutable (une réorientation, une année de découverte d’autres horizons est-elle forcément un échec ?) ; mais si l’on prend comme critère la sortie de l’enseignement supérieur sans diplôme, cela correspond à 20% des étudiants français. C’est trop, mais 10% de moins que la moyenne des pays de l’OCDE.Parcoursup : faute de vouloir élever le niveau de formation de la population, on la sélectionne pour le marché de l’emploi
À côté des filières sélectives (BTS, IUT, classes préparatoires, grandes écoles…) les universités pourront, de fait, trier les élèves à l’entrée en licence avec la mise en œuvre des « attendus ». Les universités pourront ainsi répondre « oui, si » et imposer le suivi en plus des modules de rattrapages (les modules en ligne, les Moocs sont fortement mis en avant) avec une éventuelle année de renforcement, en passant un "contrat de réussite" avec les étudiants qui deviennent responsables de leur « non sélection ». Comment alourdir les cursus des étudiant.es les plus fragiles alors que plus de 50% d’entre eux travaillent pour financer leurs études ?
Les universités en décidant des capacités d’accueil et des attendus de leurs filières vont pouvoir développer des parcours à deux vitesses : certains « d’excellence » et d’autres de relégation. Certains attendus, sont emblématiques de la mise en place de parcours à deux vitesses et de recherche de « l’excellence » : une lettre de motivation de 10.000 signes ou « faire preuve de qualités humaines », sont autant d’éléments discriminants dans les critères de sélection des dossiers. Plus les attendus s’éloignent des acquis de la scolarité dans le cadre de la préparation de diplômes nationaux, plus ils pérénisent les inégalités sociales, territoriales des bachelier
es.Par ailleurs dans de nombreuses filières non-sélectives la plate-forme Parcoursup et ses 10 vœux non-hiérarchisés vont générer une tension en multipliant le nombre de vœux à étudier. Les services ne sont pas dimensionnés pour étudier et classer les centaines de fiches de vœux qui vont arriver, les personnels vont être mis sous pression et n’auront ni les moyens, ni le temps de lire chaque dossier. Au final l’avis du lycée et les bulletins scolaires seront déterminants dans la décision d’accepter, de refuser ou de mettre en attente un
e candidat e. Or, pour la CGT Educ’Action le rôle des enseignants n’est pas de sélectionner leurs élèves. Nous appelons les équipes à donner un avis « très favorable » à chacun des vœux de nos élèves !Un autre choix est possible, c’est celui que défend la CGT, faire exactement l’inverse en ouvrant le nombre de places nécessaires à l’accueil de toutes et tous les jeunes en formation.
Le maà®tre mot de cette réforme est celui de « modularisation » : décomposer et recomposer les blocs de la licence permettrait de le faire à son rythme, en deux, trois ou quatre ans. A priori difficile d’être contre ! Sauf que, sans moyens, les universités seront contraintes de regrouper dans des amphis des étudiant.es de plusieurs sections avec le même enseignant.e ou tableront sur l’utilisation de la formation en ligne (les fameux « Moocs »). Mais le principal intérêt pour le patronat est la casse du cadre national des diplômes. Les diplômes étant à la carte, les salaires le seront aussi ! En remplaçant la qualification par les compétences, cela remet en cause les contenus des diplômes, leur qualité et leur caractère national. Comme les attendus et les diplômes pourront varier selon les établissements, la carte de France deviendra un vaste outil de tri : la licence d’une même discipline dans une « université de recherche », « une université d’excellence » ou dans un « collège universitaire » n’aura pas la même valeur. Ce n’est qu’ainsi que l’on peut comprendre la volonté de remettre en cause le Baccalauréat comme premier grade universitaire.
Réforme bac : enseignants triez pour que parcoursup puisse sélectionner !
Un bac au service de la sélection.
Les épreuves terminales représentent certes 60 % du bac mais au total 72% est passé en avril pour pouvoir renseigner parcoursup et faire rentrer le nombre de bacheliers dans les places disponibles. L’Oral au mois de juin de l’année de Terminale consiste en une présentation d’un projet et en une discussion avec le jury, pouvant porter notamment sur la projection dans l’avenir de l’élève. Sans moyens alloués les collègues devront évaluer sans les préparer les élèves sur leur autonomie dans l’élaboration d’un projet de « recherche" et leur insertion dans une société qu’ils ne devront surtout pas contribuer à forger. Souvenez vous : le but de la formation initiale est de trouver une place dans l’appareil de production de la société actuelle. Comment imaginer que les élèves issus de milieux défavorisées ne seront pas discriminé.e.s par une telle épreuve ?
Un bac qui met en concurrence les établissements et donc qui aggrave les inégalités sociales.
Les épreuves partielles représentent 40% de l’examen. Elles seront organisées dans les établissements, comme les bacs blancs, les sujets seront pris dans une banque nationale de sujets. Rappelez-vous, ces réformes sont avant tout idéologiques : la concurrence est saine et synonyme d’émulation, il faut faire confiance aux acteurs de terrain (entendez recteurs et chefs d’établissement). En langage macronien, il s’agit de libérer les énergies pour pouvoir trouver sa place dans le monde moderne ; en langage CGT de donner à chacun selon ses moyens pour être compétitif, ou laisser pour compte, dans l’économie de marché. La concurrence sera rude entre EPLE, à titre d’exemple le responsable de la formation à la fac d’éco-gestion de l’UPEC a annoncé fièrement aux collègues du lycée Chérioux de Vitry/Seine avoir déjà élaboré un algorythme pondérant ce qu’il nomme « l’effet établissement ».
Un bac qui reprend la logique des compétences (du primaire au supérieur dorénavant)
Comme nous l’avons développé au sujet des attendus, les compétences sont à l’origine une commande du patronat auprès de l’Union Européenne dont le but est de favoriser l’employabilité aux dépens de la qualification. Mise en place depuis plusieurs années au lycée, elles ne sont pas vraiment appliquées dans la plupart des établissements. Elles deviennent maintenant le pivot de l’orientation post-bac des élèves car les attendus nationaux présentés par le ministère sont calqués sur le livret de compétences. L’exemple des épreuves de langues est éclairant, il s’agit de s’aligner sur le référentiel européen en développant la certification. Or, la certification est délivrée par des officines privées.
Cette réforme marque la fin du bac comme diplôme national et 1er grade universitaire en le rendant moins cher, ce qui aux yeux du gouvernement ne gà¢che rien.
Organisation du lycée : concentrer moins de moyens pour optimiser la compétitivité
Le projet pour l’organisation du lycée a été présenté aux OS le jeudi 29 mars et discuté en réunion bilatérale. Il peut encore y avoir des modifications.
Un lycée qui oriente vers le 1er cycle universitaire dès la fin de la seconde
2de en 2019 : Le tronc commun appelé "Enseignements communs" compte 26 heures avec une nouvelle matière nommée « sciences numériques ». Des « enseignements optionnels » dans lesquels sont compris les enseignements technologiques.Il n’y a pas de moyens dédiés à l’AP mais 54h annuelles « d’éducation au choix de l’orientation » pour choisir pour 3 enseignements de spécialités pour la première. Ce sont les régions qui vont organiser des semaines de l’orientation dans les lycées. Blanquer veut lancer une réflexion sur le rôle des Psy EN car, selon lui, la majorité veut travailler plus sur le psychologique que sur l’orientation.
1re Gale : Les enseignements communs comporte 16h hebdo, auxquels s’ajoutent 3x4 h d’enseignements de spécialité. Aucun horaire n’est prévu pour l’oral. Ces enseignements correspondent aux attendus universitaires ce qui revient pour les élèves à choisir sa licence dès la seconde.
Tale Gale : Tronc commun de 15,5h hebdo et 2x6h d’enseignements de spécialité (2 sur les 3 choisis 1re). D’après le ministre le changement de spécialité est possible à la marge, ni plus ni moins que le changement de série aujourd’hui.
1re Techno : Les séries sont maintenues contrairement au général. Mais on déplore globalement une baisse de certains horaires et des séries plus générales : par exemple en ST2D l’enseignement technologique passe de 14 à 12 heures en Tale.
Un lycée qui coà »te moins cher
Le premier poste d’économie, et le plus évident est les réductions horaires – 2h30 en 2de qui sont à 26h comme les classe de collège ; et 28h en 1re et Tale générales contre de 26,5 à 30 heures aujourd’hui.
L’ AP et les enseignements facultatifs seront certainement pris sur la marge, et si le coefficient appliqué au calcul des marges horaires ne bouge pas dans la série STMG, il se traduit par un rabotage partout ailleurs.
La CGT Educ’Action a fait les calculs. En prenant pour base les effectifs élèves de 2016, d’après le projet communiqué par le MEN qui se trouve en PJ de cet article, ce sont 1 185 Equivalents Temps Plein (ETP pour une valeur de 18h hebdomadaire) en moins en prenant en compte les heures annuelles dédiées à l’orientation, et 2 444 ETP en moins sans compter ces heures. Cependant, le but essentiel n’est pas comptable mais idéologique.
Un lycée modulaire, flexible et géré en local
Les dédoublement, auparavant définis par série, ne sont pas abordés dans les textes. Lors des rencontres bilatérales avec le ministre, la CGT a posé la question. Blanquer a répondu, qu’il fallait réfléchir aux DHG : par exemple un LGT ayant beaucoup d’élèves venant de REP aura des moyens supplémentaires pour dédoubler les classes. Dans notre académie, les moyens alloués par le ministère sont tellement insuffisants, que le rectorat a du ponctionner 20% des marges des établissements "défavorisés". Comment imaginer alors que les marges seront suffisantes pour maintenir les dédoublements ?Cette enveloppe horaire pourra être modulée par le recteur en fonction des "spécificités" d’établissement. L’autonomie des établissements se trouve encore renforcée.
Enfin, de fait il existera toujours des séries (spécialité maths + sciences de l’ingénieur ressemble beaucoup à une terminale SSI) , mais cette modularité permet de faire des économies d’échelle : mettre tous les enseignements de spécialité en barrette certains jours.
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Ces réformes reviennent donc à une remise en cause de la qualification du diplôme garanti par l’Etat au profit de compétences certifiées par des établissement de plus en plus autonomes ; à l’approfondissement du désengagement de l’Etat ; à l’accroissement de la concurrence entre élèves et entre établissements : c’est une inversion de la hiérarchie des normes. Cela correspond au projet de société porté par le gouvernement, la fin des garanties collectives et de la hiérarchie des normes afin d’accroà®tre la compétitivité : c’est le point commun avec la loi travail, la réforme ferroviaire…
De nombreuses universités sont mobilisées contre parcoursup, un mouvement de défense des services publics se développe. Pour le lycée nous devons construire la mobilisation et rejoindre les autres salariés dans le combat car nous nous battons contre le même projet de société. La CGT porte un autre de projet de lycée que vous trouverez dans nosrepères revendicatifs en suivant ce lien.