Accueil > Actualité > Les vraies raisons de la campagne contre les comités d’entreprise

Actualité

Les vraies raisons de la campagne contre les comités d’entreprise

mercredi 14 décembre 2011

Michel Doneddu répond aux questions de l’Humanité


Administrateur de la CGT, Michel Doneddu répond à l’offensive contre les comités d’entreprise déclenchée après la publication du rapport de la Cour des comptes sur le CE de la RATP.

Propos recueillis par Yves Housson.


La publication d’un rapport de la Cour des comptes sur le comité d’entreprise de la RATP donne lieu à une violente campagne de presse donnant à croire que les comités d’entreprise (CE) disposeraient et gaspilleraient d’énormes masses d’argent, et qu’il s’agirait là , comme l’écrit le Figaro, d’une « manne financière mise à disposition des syndicats ». Quelle est votre réaction ?

Michel Doneddu : Je m’inscris en faux contre l’idée que les financements des CE seraient une manne donnée aux syndicats. Les CE ont deux budgets. L’un, correspondant à 0,2 % de la masse salariale, représente le budget de fonctionnement du CE, et lui permet d’assurer son rôle de contrôle économique de l’entreprise. C’est avec ce budget que les élus du personnel peuvent notamment nommer des experts pour vérifier les comptes de l’entreprise, en cas de restructuration par exemple. Il y a depuis longtemps une campagne patronale visant à remettre en cause ce budget de fonctionnement, précisément pour porter atteinte à cette liberté des élus de faire appel à un expert.

L’autre budget des CE finance leurs activités sociales, et il est aussi stigmatisé…

Michel Doneddu : Certains voudraient que ces activités rentrent dans le marché. C’est le sens de la campagne du Figaro affirmant que des CE ont des budgets trop importants, et qu’il n’est pas normal que cela soit géré par des élus des salariés. Sous-entendu, mieux vaudrait que cela soit géré directement par les employeurs qui feraient appel à des sociétés de prestataires de services. On abandonnerait alors toute notion de tourisme social, de droits aux colonies de vacances pour les enfants des salariés, etc. Rappelons que le financement des CE est un salaire socialisé qui n’est donc pas versé directement aux salariés, mais sous une forme collective. Il est tout de même normal que ce salaire socialisé soit géré par les représentants du personnel, et non par leur employeur.

La gestion des CE souffre-t-elle d’un manque de contrôle ? Pour éviter tout risque, faudrait-il, comme le réclame le PDG de la RATP, séparer budget de fonctionnement et budget social ?

Michel Doneddu : Mais il y a déjà un devoir de séparation des deux budgets ! À l’inverse, nous avons eu des propositions de droite, visant à fondre ces budgets, en espérant qu’ainsi soit limitée la mise en oeuvre des fonctions économiques du CE. Nous nous battons, à la CGT, pour maintenir ces deux budgets distincts. Pour les grands CE, nous nous prononçons en faveur de la mise en place d’un contrôle par un commissaire aux comptes. C’est d’ailleurs en discussion en ce moment avec les pouvoirs publics. Nous ne revendiquons donc pas un contrôle par la direction de l’entreprise : c’est aux salariés, pas au patron, de manifester, au moment des élections du CE, des choix d’orientation, de reconnaissance de la qualité de la gestion ou pas. Il faut absolument garantir l’indépendance des élus vis-à -vis de l’employeur, sinon leur rôle de contrôle économique n’est plus possible.

La question du financement des syndicats est remise sur le tapis, en mettant en doute sa sincérité, sa légalité, en avançant des chiffres énormes (jusqu’à 4 milliards d’euros) d’argent qui tomberait de l’État dans la caisse des syndicats.

Michel Doneddu : C’est totalement fantaisiste. La CGT a publié, le 2 novembre, ses comptes certifiés par un commissaire aux comptes. Il en ressort que les cotisations représentent 73 % de l’ensemble des recettes, et les recettes externes, 27 %. On a publié aussi le nombre de salariés employés à la confédération : sur 161 personnes, il y a 27 détachés de la fonction publique et de grandes entreprises publiques. Arrêtons de dire qu’il y a des milliers et des milliers de fonctionnaires qui font du syndicalisme et qui seraient mis à disposition par la fonction publique ! En revanche, on nous demande de siéger dans plus de 400 organismes, institutions, et nous n’avons aucun moyen pour faire ça. Tandis que la représentation du patronat dans ces instances, elle, se fait avec des salariés, des cadres ou dirigeants, payés par les entreprises et mis à disposition du Medef. Il y a une inégalité fondamentale dans le paritarisme, qui est passée complètement sous silence.


Un salarié sur deux sans comité d’entreprise

C’est une réalité jetée aux oubliettes par ceux qui se posent en défenseurs de la morale dans les comités d’entreprise : près d’un salarié sur deux (45 %) ne bénéficie pas du droit à un CE. Celui-ci est restreint, selon la loi, aux entreprises de plus de 50 salariés. « La question que nous posons, ce n’est pas de remettre en question les droits existants, en matière de budget d’activités sociales ou de fonctionnement, mais d’élargir le droit des CE à tous les salariés », souligne Michel Doneddu. Rien ne justifie que les travailleurs des PME de moins de 50 salariés ne bénéficient ni d’un droit de regard sur la marche de leur entreprise ni d’activités sociales. Lors de la réforme de la représentativité syndicale, en 2008, la CGT avait proposé la mise en place d’un « comité interentreprises », pour les PME et TPE, à l’échelle d’un site ou d’une branche, capable d’assurer une mutualisation des activités sociales et des fonctions économiques. Une proposition bloquée par la CGPME, relayée par les députés UMP.