La CGT-Educ’action Créteil, seconde organisation syndicale du 2d degré et première organisation des professeurs des lycées professionnels de l’académie de Créteil, exprime son opposition à l’initiative de « cagnotte collective » pour lutter contre l’absentéisme.
Trois lycées professionnels de l’académie de Créteil vont en effet expérimenter à partir du lundi 5 octobre 2009 un tel système. Les 3 lycées concernés sont les lycées professionnels Lino Ventura à Ozoir-la-Ferrière,
Gabriel Péri à Champigny-sur-Marne et Alfred Costes à Bobigny. Au total, cette expérimentation va concerner 2 classes par établissement pour environ 150 élèves. Cette « phase pilote » laisse envisager une extension en 2010-2011 à 70 classes.
Cette initiative est l’une des expérimentations financées par le Haut Commissariat à la Jeunesse pour 32000 euros, étant acté qu’une dotation de 560000 euros est prévue pour 2010-2011.
Concrètement, chaque classe va disposer d’une « cagnotte » initiale de 2000 euros susceptible de « prospérer » au fur et à mesure de l’année si le « contrat » passé entre les élèves et les adultes référents en termes d’assiduité et de discipline est respecté. Certaines classes pourront « gagner » jusqu’à 10000 euros permettant de financer un projet commun décidé au préalable.
On observe que seuls des lycées professionnels sont pour l’instant concernés par l’initiative : on avait cru comprendre que la généralisation du bac pro en 3 ans était la recette miracle pour « revaloriser » la voie professionnelle et donc pour « remotiver » les jeunes ? Il semblerait que le Rectorat de Créteil anticipe que la réforme de la voie professionnelle n’aura aucune incidence sur l’absentéisme des élèves…voire va l’accentuer…
La motivation des élèves relève de problème un peu plus complexe (qui d’ailleurs se pose bien avant le lycée…) pour qu’ils soient réglés simplement en « payant » les élèves…
Ainsi, avec cette initiative, le Rectorat laisse de côté la question de l’orientation par défaut vers la voie professionnelle, source essentielle de la démotivation des élèves. Avec la généralisation du bac pro en 3 ans, la situation s’est même aggravée. Nous rappelons que la FCPE parle d’une crise de l’affectation des élèves de la voie professionnelle…
La CGT-Educ’action Créteil ne peut donc pas accepter une expérience totalement contraire aux principes de Service Public d’Education qu’elle défend.
« Acheter » les élèves, c’est introduire la concurrence entre les établissements et les élèves pour … de l’argent.
Le problème, réel et important, de l’absentéisme, nécessite une vraie réflexion sur l’orientation vers les 3 voies du lycée. C’est ce type de réflexion qu’a lancé la CGT-Educ’action Créteil en faisant la proposition d’un cycle de détermination 3e-2de débouchant ensuite vers l’une des trois voies du lycée. La CGT porte par ailleurs la revendication d’une allocation d’autonomie pour les jeunes : voilà qui serait une vraie mesure de justice sociale.
Le Rectorat de Créteil marque lui, par son initiative, son manque d’engagement pour défendre l’enseignement professionnel public avec ce clin d’œil appuyé vers l’apprentissage.
Enfin, nous ne pouvons que remarquer que cette initiative se met en place alors que le ministre a mis en route une revalorisation salariale pour très peu d’enseignants… les enseignants auront-ils, eux-aussi, une « cagnotte » ?
Contact presse : Matthieu Brabant, 06 77 81 34 83, cgteduc.creteil@wanadoo.fr
Pas de cagnotte, mais une meilleure orientation »
interview du secrétaire académique de la cgt educ’action créteil dans l’Huma du 6 octobre
Opposé à l’idée de payer les élèves pour qu’ils viennent en cours, Matthieu Brabant, de la CGT Éduc’Action, propose des pistes pour résoudre le problème complexe de l’absentéisme.
Faire miroiter de l’argent pour que les élèves aillent en cours ? L’expérience, lancée hier par le rectorat de Créteil (Val-de-Marne) dans trois lycées professionnels, n’en finit plus de créer la polémique. Secrétaire académique de la CGT Éduc’Action et professeur de maths-sciences à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), Matthieu Brabant dénonce cette stratégie de la carotte qui, malheureusement, pourrait bien faire des émules. Hier, un proviseur marseillais s’est dit prêt à offrir, chaque mois, des billets pour les matchs de l’Olympique de Marseille aux élèves de la classe la plus assidue…
Que pensez-vous de cette idée de « cagnotte » anti-absentéisme ?
Matthieu Brabant. On est totalement opposé à cette mesure qu’on a découverte dans la presse. Donner de l’argent à des élèves pour qu’ils soient présents ne correspond pas du tout à notre manière de voir le service public d’éducation. Nous sommes face à des élèves scolarisés, pas à des apprentis en contrat ! La motivation pour venir en classe relève de problèmes complexes, et ce n’est sà »rement pas en « achetant » la présence des élèves qu’on parviendra à relever ce défi.
Pourquoi la filière professionnelle est-elle plus touchée par ce problème de l’absentéisme ?
Matthieu Brabant. La voie professionnelle est clairement dévalorisée. Une grande partie des élèves, voire la totalité dans certains établissements, arrivent ici par défaut après une scolarité difficile. Cet état de fait entraà®ne fatalement de l’absentéisme. Comment voulez-vous motiver un élève à un métier qu’il n’a pas choisi et qui ne l’intéresse pas ? Ce problème d’orientation s’est aggravé avec la réforme du bac pro en trois ans. Le raccourcissement de la filière, et les exigences que cela sous-entend, a accentué les décrochages et entraà®né plus d’absentéisme. C’est flagrant dans mon établissement : en 2007, on avait proposé un « bac pro trois ans » en métallurgie. Sur les 24 élèves prévus, 16 se sont inscrits et seule une douzaine étaient réellement présents la première année. Au bout des trois ans, il ne restait que quatre élèves…
Quelles sont alors les solutions pour lutter efficacement contre l’absentéisme ?
Matthieu Brabant. Il faut travailler sur l’orientation et valoriser la voie professionnelle. À la CGT, nous proposons un « cycle de détermination » troisième-seconde. Pendant ces deux années, l’ensemble des élèves pourraient découvrir alternativement les trois filières (générale, technologique ou professionnelle) et se déciderait pour l’une ou l’autre uniquement à l’issue de la seconde. L’actuelle réforme du bac pro, elle, n’améliore rien. Au contraire, elle sous-vend totalement la formation. Comment ont réagi vos élèves à cette proposition de « cagnotte » ? Matthieu Brabant. Je leur en ai parlé ce matin (hier - NDLR). Certains, les plus tentés par l’apprentissage et par la perspective d’une paye, se sont dit « pourquoi pas ? ». Mais la majorité ne croyait pas à l’efficacité de la mesure. Selon eux, des élèves peuvent être tentés de revenir par appà¢t du gain, mais ce n’est pas pour ça qu’ils travailleront… Ils m’ont dit : « Ce qu’il faut, Monsieur, c’est donner envie de venir. »
Entretien réalisé par Laurent Mouloud
Communiqué national de la CGT-Educ’action :
La "cagnotte" de l’Académie de
Créteil
La
"cagnotte" semble être la panacée universelle du Recteur de Créteil. On
se souvient des primes proposées aux enseignants "courageux" qui
voudraient bien venir s’installer dans l’Académie. Voilà maintenant que
l’on propose de l’argent à leurs élèves pour venir étudier !
Dans le cadre des
projets expérimentaux financés par le fonds d’expérimentation pour la
jeunesse, l’Académie de Créteil a choisi de lutter contre l’absentéisme
et les incivilités scolaires qui frappent tout particulièrement les
lycées professionnels. Pour cela, le rectorat met en place, dans trois
établissements, un dispositif qui prévoit de verser jusqu’à 10 000
euros par classe pour récompenser l’assiduité et le bon comportement
des élèves. On est ici dans une vision libérale et consumériste de
l’école, à l’opposé de l’éthique et des valeurs que défend la CGT
Educ’action, celle d’une école gratuite, qui donne du sens aux savoirs
afin de permettre aux jeunes de se construire en tant que citoyens et
futurs salariés de ce pays.
Le projet a déclenché
une polémique qui met mal à l’aise le nouveau Ministre de l’Education.
Celui-ci peut difficilement désavouer son Recteur le plus appliqué et
le plus empressé à mettre en œuvre la politique gouvernementale.
Valérie Pécresse s’est, elle-même, déclarée "très réservée" sur le
dispositif.
Le fonds
d’expérimentation pour la jeunesse a pour vocation de financer des
projets innovants visant à améliorer l’insertion sociale et
professionnelle des jeunes de seize à vingt cinq ans. Une telle
initiative remplit-elle cet objectif ?
L’absentéisme, qui
peut déboucher sur le décrochage scolaire, nouveau cheval de bataille
de Nicolas Sarkozy, est un réel fléau dont les causes sont multiples.
Le décrochage scolaire est un processus lent et cumulatif qui résulte
souvent de ruptures dans la vie personnelle et familiale de l’élève.
Sans être exhaustif sur les causes, il nous pose la question de la
dégradation du service public d’éducation due à des politiques
publiques qui vident les établissements des personnels qualifiés pour
traiter la difficulté scolaire. On a dénoncé la disparition des RASED
dans le primaire, mais o๠sont passés les médecins scolaires, les
infirmières, les conseillers d’orientations psychologues, les
conseillers principaux d’éducation, les surveillants..., tous ces
interlocuteurs qui accueillaient la détresse des jeunes en difficultés
dans les établissements du secondaire ?
Si l’on veut résoudre
le problème de l’absentéisme, il faut aussi parler de l’orientation
scolaire. Elle se fait la plupart du temps, par défaut, dans les lycées
professionnels considérés comme des voies de relégation pour les élèves
cumulant difficultés sociales et scolaires. L’absentéisme est un
phénomène complexe qui traduit des stratégies d’évitement et une réelle
souffrance des jeunes vis-à -vis de l’école. Il nécessite à la fois une
prise en charge éducative et parfois médicale. Il ne peut être
instrumentalisé par le biais de dispositifs qui ne sont, en fait, que
des stratégies de communication dont on peut soupçonner qu’elles visent
surtout à satisfaire des ambitions personnelles. Les jeunes n’ont pas à
gagner des voyages scolaires parce qu’ils ont été "méritants". Les
voyages, les sorties..., font partie des projets éducatifs de tous les
établissements scolaires et devraient concerner tous les élèves sans
distinction. L’effort, le mérite -on reconnait ici la sémantique
présidentielle- seraient les seuls viatiques pour mieux faire
fonctionner l’école. On oublie que l’Education est un droit fondamental
donné à chacun, quelle que soit sa condition. Cette inversion des
valeurs est une honte que nous devons dénoncer.
Montreuil
le 06/10/09
Aline
Louangvannasy,
Secrétaire nationale
CGT Educ’action
Samuel Serre
Secrétaire national
CGT Educ’action