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L’apprentissage n’est pas la solution miracle contre la précarité des jeunes

Lu dans l’Humanité du vendredi 22 avril 2011

vendredi 22 avril 2011

On assiste à un renouveau de l’idéologie du tout apprentissage comme solution pour la jeunesse, la jeunesse défavorisée bien entendu, la jeunesse dorée méritant mieux que ça.

Une ministre a été chargée de l’apprentissage, la Région Ile-de-France, dirigée par le socialiste Huchon, annonce 120 000 apprentis d’ici 2015, et avec les félicitations de Valérie Pécresse et un budget conséquent. Les rectorats se sont lancés dans la bataille avec la création de centres de formation d’apprentis (CFA) publics, quitte à bouleverser les cartes de formation au détriment des sections actuelles des lycées professionnels.

A côté de cela, la formation initiale publique, et en particulier les lycées professionnels, subit de plein fouet des dizaines de milliers de suppressions d’emplois, le Rectorat de Créteil se permettant même une ponction arbitraire des moyens des lycées professionnels (LP) pour participation à l’effort budgétaire. La réforme du bac pro en 3 ans et la suppression du BEP ont cassé la voie professionnelle des lycées, elles lui ont fait perdre ses outils de remédiation et ont fait perdre au bac pro son caractère professionnel. La réforme de la voie technologique va dans le même sens de destruction.

L’idée est de détruire cette spécificité des 3 voies de formation en lycée (générale, technologique et professionnelle) pour n’en conserver que 2 et faire l’apprentissage la voie privilégiée sinon exclusive de la formation professionnelle, y compris initiale.

C’est d’un choix de société dont il s’agit : la CGT, qui défend une scolarité jusqu’à l’à¢ge de 18 ans, considère que la voie normale de la formation professionnelle initiale relève des voies de formation des lycées et des lycées professionnels car elle seule garantit une formation de qualité et complète. Ce n’est pas le patronat qui doit gérer la formation initiale de millions de jeunes.

Rappelons que l’enseignement technique n’a intégré qu’en 1920 le ministère de l’Instruction Publique, intégration partielle car toujours sous la coupe du ministère du commerce. Jean Zay, sous le Front Populaire, a tenté en vain une intégration totale. Ce n’est qu’en 1961, dans la foulée des projets de Zay et de Langevin-Wallon qui considéraient (déjà  !) que l’orientation était trop précoce, que l’enseignement technique, devenu professionnel, intègre définitivement l’Education Nationale dans le cadre de la construction du système éducatif que l’on connait aujourd’hui. Cette construction n’a pas été facile et a largement traversé l’histoire sociale, en particulier de la CGT.
Il ne s’agit pas de dire là que tout va bien dans les lycées professionnels, il s’agit de dire que ce qui se trame actuellement est la destruction programmée de cette voie à des fins idéologiques et donc que la gauche doit y répondre sur le même plan en faisant des propositions concrètes.

La perception d’une rémunération pendant la formation, les difficultés d’insertion à l’issue de la formation et le chômage des jeunes rendent l’apprentissage attractif pour les jeunes et leur famille. Nous devons travailler dans le sens d’un statut des jeunes en formation professionnelle ouvrant droit à rémunération et aller vers une allocation d’autonomie pour les jeunes.

Nous devons engager aujourd’hui une promotion de la formation professionnelle initiale en lycée dans l’Education Nationale qui passe ainsi par une répartition de la Taxe d’apprentissage privilégiant les établissements publics alors qu’aujourd’hui ce financement privilégie les CFA et les organismes patronaux de formations.

Cela passe aussi par une refonte de l’orientation vers les trois voies du lycée, en réalité modes de sélections souvent arbitraires, et donc cela passe par un rapprochement de ces trois voies avec, par exemple, une seconde de détermination des trois voies du lycée et le développement de lycées polyvalents.

Cela passe enfin et surtout par l’arrêt immédiat des suppressions d’emplois dans l’enseignement public et le recrutement urgent de personnels statutaires à la hauteur des besoins.


Matthieu Brabant, professeur dans un LP de La Courneuve, secrétaire académique de la CGT-Educ’action Créteil